Salut,
J’espère que tu te portes bien.
Selon toi, quel est le rapport entre ce geste technique de folie et l’édition du jour ?
Comme Ronnie, je vais tenter de te déboussoler.
En fait, j’ai envie de te faire découvrir une autre facette de la culture urbaine (vestimentaire notamment) que j’aime tant.
Aujourd’hui nous n’allons pas parler sneakers. Nous allons parler souliers. Et notamment : J.M Weston.
Tu dois te dire que j’ai craqué ?
Et pourtant Weston mérite entièrement sa place dans l’univers urbain parisien des Années 80. Fais-toi un café et installes toi tranquillement je vais te raconter un truc qui va illuminer ta journée.
Je commence par t’offrir une petite fracture de la rétine avec ce magnifique mocassin 180 bicolore.
Petite histoire de méthodologie
Avant de commencer je dois te prévenir que pour écrire cette édition je me suis appuyé sur des ressources peu traditionnelles.
Habituellement, pour rédiger mes newsletters j’utilise 3 grandes sources :
mes connaissances personnelles
des livres dédiés à la culture urbaine
et des échanges avec des vendeurs et autres passionnés que je contacte et questionne systématiquement à chaque fois que je trouve une pépite.
Cette fois je n’ai rien de tout cela.
N’ayant pas eu la chance de vivre cette période et ne souhaitant pas te raconter une histoire aseptisée que tu peux lire sur internet, j’ai capturé la mémoire d’autres personnes que j’ai pu rencontrer et fréquenter quand j’étais plus jeune. En l’occurrence :
plusieurs histoires racontées par mon père - un grand fan de chaussures - lorsqu’il vagabondait avec ses potes dans le 3ème arrondissement
un sapeur de mon quartier qui flambait H24 avec ses Weston et qui m’a fait découvrir Papa Wemba (je le prenais pour un fou étant plus jeune, je suis aujourd’hui admiratif de son audace).
Rien d’habituel donc, mais peu importe. Si ces histoires m’ont touché dans le passé.
Pourquoi pas toi ?
Et puis pour storyteller il n’y a rien de mieux que de parler avec le ❤️
Tu ne connais pas Papa Wemba ? Arrête ta lecture et va écouter son grand classique ICI
Weston, le soulier français de légende
Première partie
Je commence par la base.
J.M Weston est une marque de chaussures françaises fondée en 1891 à Limoges par Edouard Blanchard.
Pendant de nombreuses années, la manufacture familiale ressemble à une entreprise de souliers française classique. Elle crée des richelieux et des brogues de bonne qualité, dans le respect de l’art bottier français.
En 1904, Le fils d’Edouard Blanchard, Eugène, quitte Limoges pour apprendre la technique du cousu Goodyear à Weston (près de Boston, Etats-Unis) qui permet de ressemeler durablement les chaussures.
C’est une petite innovation technique qui le séduit immédiatement.
Convaincu du futur succès du Goodyear en Europe et notamment à Paris, il introduira dans l’entreprise familiale le procédé à son retour à Limoges.
Puis en 1922, Eugène Blanchard croise le chemin de monsieur Viard, grande figure des mondanités parisiennes.
Tous les deux s’associent en déposant le nom de J.M. Weston et en ouvrant la première boutique boulevard de Courcelles.
🇫🇷 Cocorico ! Une fierté nationale venait de naître.
La première boutique ouverte, en 1922, rue Courcelles.
À partir de cette date et jusqu’au début des Années 70 Weston est et restera une marque de la bourgeoisie parisienne. Le prix d’un soulier est élevé et les personnes originaires de quartiers plus populaires ou de la campagne ne rentre pas vraiment dans les cibles rêvées de la société.
Tout cela va vite changer.
Un autre modèle iconique de la marque le demi chasse. Une paire élégante, très confortable qui confère (selon moi) à son propriétaire un sacré charisme.
Weston, l’atout charme des lascars
Seconde partie
Ma passion de la sneaker c’est en partie mon père qui me l’a transmise. Dès qu’il avait quelques billets il en profitait pour m’acheter les paires qu’il portait quand il était plus jeune : Converse Chuck Taylor, Stan Smith mais aussi Clark’s.
Bref, j’avais du style 😉
Quelle beauté cette Clark’s Wallabees
Chaque paire était en lien avec une histoire, un souvenir qu’il avait de son adolescence et qu’il ne cessait de partager (radoter ^^).
La Stan Smith et la Converse=> pour trainer avec ses potes
La Clark’s => courant 90 pour matcher avec ses jeans Levi’s 501 par exemple
Mais pour aller en boite le week-end et draguer les parisiennes il ne sortait qu’une seule paire : ses Weston 4x4.
Il me le disait cash : pour espérer conclure il fallait s’habiller comme les riches de l’époque. Porter une Weston c’était un Graal.
Sauf qu’a l’époque une Weston ça coute très chère. Bien plus qu’un SMIC. Alors la majorité des lascars de banlieue et des quartiers populaires de la capitale sortent en équipe pour faire leur course dans la rue.
Traduction = la dépouille était un sport national dans les beaux quartiers 🥵 .
Et même si mon père ne me l’a jamais avoué je le soupçonne fortement d’avoir été un pratiquant de la technique.
Pas de jugement, il a peut-être rencontré et dansé pour la première fois avec ma mère grâce a cette paire !
Ne dit-on pas que ‘‘la street a ses raisons que la raison ignore ?’’
Weston, sauvé par les sapeurs
Troisième partie
Cette fois, ce sont les souvenirs de Mr Konaté, un sapeur un peu chelou qui vivait à côté de chez moi, que je vais te partager. Comme tout bon sapologue, son rapport aux vêtements était absolument dingue. Il pouvait parler de ses costumes, chapeaux et vestons pendant des heures sans jamais s’arrêter.
La sapologie est plus qu’un style vestimentaire. C’est un lifestyle qui s’appuie sur le vêtement pour créer une attitude identitaire commune. Dans cette culture les marques ont une position centrale. Le vêtement joue le rôle de medium et la marque celui du message que les sapologues vont transmettre au reste du monde.
Entre nous, plus jeune je le trouvais un peu étrange à l’époque 🤣
En revanche j’ai toujours était captivé par les mocassins qu’il portait.
Du bicolore et beaucoup de lézards/serpents et même de l’autruche (comme ici). C’était une folie pour moi.
En fait, ce qu’il faut savoir c’est que les années 80 vont avoir un effet assez pervers pour Weston.
Historiquement c’était une marque mondaine, avec une clientèle triée sur le volet. La Weston est par essence bourgeoise.
Puis quand la jeunesse de quartier s’approprie la marque (cf deuxième partie) l’image de la marque va ‘‘en pâtir’’ ce qui aura pour effet de repousser en partie les clients des beaux quartiers.
Sauf que dans les Années 90 la mode change et les Weston sont remplacés par d’autres chaussures.
Résultat Weston commence une petite traversée du désert qui durera une quinzaine d’années.
Extrait d’un article libération de 2001.
Heureusement, Mr Konaté et ses fidèles amis sapeurs ne tourneront jamais le dos à J.M Weston.
Grâce à leur fidélité, le chausseur français restera continuellement connecté au bitume.
Pourquoi ?
Tout simplement parce que Weston c’est la chaussure qui renvoie une image de raffinement et de richesse immédiate.
En plus, bien qu’étant une Maison de luxe, Weston n’a jamais cessé de créer des design originaux et très ‘‘voyant’’.
Tout ce que Mr Konaté aime en vérité.
Grâce à leur amour indéfectible pour la marque, Weston devient une icône dans tous les pays africains francophones.
C’est encore vrai dans la sapologie moderne.
Résultat, la communauté sapeur a (en partie) tenu à bout de bras la marque pendant sa période la plus difficile économiquement.
Seulement ils n’ont jamais rien obtenu en retour. Trop criard et pas assez raffiné (selon les goûts de la Maison) Weston n’a jamais pris le temps de se rapprocher de son audience ‘‘sapologue’’. Une grosse erreur selon moi quand on voit l’importance de la culture africaine dans la mode urbaine moderne …
Je retiens une chose de cet événement :
Elargir ses horizons ne sous-entend pas renier ses racines. C’est un acte de sagesse et de compréhension des évolutions de son époque.
À trop vouloir protéger le passé de sa marque on oublie parfois le plus important : construire le futur.
Si comme moi tu bosses dans le branding et le marketing conserve cette idée dans un coin de ta tête. Cela te permettra peut-être de sauver ta marque un de ces jours.
Dommage parce que ce mocassin 180 Weston x Castelbajac lui irait à ravir :)
Weston et la rue de nos jours ?
Aujourd’hui, Weston renaît de ses cendres. Très appréciés des passionnés de sartoriale, la marque séduit également les amoureux d’américana et de style rétro.
Dans la rue on voit de plus en plus de mocassins 180 et de demi-chasse aux pieds.
Seul hic : le prix est toujours aussi prohibitif et la street ne s’intéresse plus vraiment à la marque.
Jugé comme trop classique il n’y a que les nostalgiques comme mon père qui fantasme encore devant les vitrines.
Je ne perds néanmoins pas espoir de voir le chausseur français revenir sur le devant de la scène urbaine.
Grâce à des marques comme Aime Leon Dore, les silhouettes vintage retrouvent de la splendeur. Et le mocassin y tient une place de choix. Nul doute que Weston saura imposer à nouveau sa patte.
Alors ?
J’espère que ce petit hors série t’auras plu.
Comme la rédaction change pas mal de ce que j’ai l’habitude de faire depuis 2 mois et demi n’hésite pas à revenir vers moi si ce n’était pas dingue.
Sache néanmoins que de mon coté j’ai adoré écrire cette édition. Pouvoir raconter l’histoire d’une marque sous un angle nouveau c’est hyper stimulant. Moi qui suis un grand fan de Weston, je peux te dire que toutes ces anecdotes un peu secrètes contribuent encore aujourd’hui à renforcer mon affection pour la marque 😍.
A présent, je te propose de finir sur une note légère avec une petite sélections Weston de 2nd main.
Mes pépites Weston
Première chose a savoir, depuis 2020 Weston propose une offre vintage. C’est pas simple de trouver sa taille et son modèle mais si tu prends le temps d’aller en boutique tu pourras peut-être tomber sur une perle remise à neuf dans la manufacture historique de Limoges pour un prix très cool (environ 30/35% 🔥 ).
1/2 chasse assez ancienne mais en très bon état - taille 41 - 200e
Mocassin 180 lézard noir 100% sapologie - taille 42 - 2000e (carrément négociable)
Derby Golf Triple Semelle (nouveauté) - neuf - taille 42,5 - 800e
Un petit like ?
Cette semaine j’ai appris que les like ont un gros impact sur la visibilité de mon travail.
Donc si cette édition t’a plu je te laisse m’envoyer du love ❤️
Comme toujours, ton aide est précieuse. Chaque action compte :)
Merci pour ta présence et à la semaine prochaine.
Jolhane